Numérique

Spécificités des objets numériques

Les objets numériques sont qualifiables de communs au même titre que peuvent l’être des ressources matérielles non-exclusives. La condition principale reste la même : le respect d’un commun. Néanmoins, deux particularités sont à noter en ce qui concerne les communs numériques.

D’une part, les pratiques qui prévalent dans le domaine du logiciel tendent vers des gouvernances facilitant la constitution de communs, là où les lieux physiques sont plus facilement par défaut des biens privés.

D’autre part, les coûts de la duplication et de la transmission de l’information sur support numérique étant extrêmement faibles, les communs numériques sont a priori non-rivaux [Verdier & Murciano, 2015], c’est-à-dire que l’usage de leurs ressources par un acteur n’en prive pas d’autres acteurs.

Communs numériques

Le terme de « commun numérique » se répand largement. On l’a beaucoup usité pour désigner des bases de données contributives telles qu’OpenStreetMap ou WikiData. Il est aujourd'hui souvent utilisé pour décrire le code source d’un logiciel libre.

Avec son appropriation plus large, il tend à désigner à la fois un code source et une instance exécutable gratuitement par le grand public de ce code source. Par exemple, « Framatalk » pour désigner une instance du logiciel libre Jitsi Meet administrée et hébergée par l’association Framasoft.

Cette dernière acception est porteuse d’espoir pour la diffusion du concept dans la mesure où elle est beaucoup plus tangible que la désignation d’objets purement techniques, et recouvre une réalité d’usage plus à même de fédérer une communauté.

Services numériques communs

Ce document se focalise sur les services numériques, c’est-à-dire des systèmes socio-techniques rendant un service à des humains et comprenant des interactions avec un logiciel. D’autres types de communs numériques existent en effet, à commencer par les bases de données (comme évoqué plus haut : OpenStreetMap, Wikidata…). Un sous-ensemble des éléments décrits dans ce document leur est applicable, mais nous ne traiterons pas explicitement ces cas.

On ne peut réduire les services numériques communs à leur code, pas plus qu’on ne peut réduire des services de distribution d’eau potable communs à un réseau de tuyauterie, et on ne peut donc pas non plus considérer que chaque exécution de ce code soit régi par un commun, même si l’une de ses instances l’est.

Commun contributif

Si le code est effectivement une ressource non-rivale, certains des constituants (tels que décrits dans la section suivante) des services numériques communs peuvent, eux, être rivaux. Et en premier lieu, la capacité de contribution active de leur communauté, directement corrélée au temps investi par ses membres, est une ressource rivale.

C’est sur la base de ce constat que je distinguerai deux familles de services numériques communs : d'une part, ceux qui peuvent exister sans contribution active et continue de leurs usagers, et qui nécessitent une gouvernance qui garantit simplement la prévention de la réappropriation de ressources informationnelles stables ou autonomes (capteurs disséminés sur un territoire, capacités de calcul excédentaires…).

D’autre part, ceux dont la valeur informationnelle ne peut être maintenue que par l’investissement continu d’une multitude d’acteurs (encyclopédie, recommandations subjectives, agenda d’événements amateurs…), et qui nécessitent une gouvernance qui prévient la réappropriation non seulement des données consolidées, mais aussi de la capacité à contribuer de sa communauté.

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